le divin proche-2
En tant que chrétien, la disparition probable d’un
Dieu causal ou «bouche-trou» ne m’inquiète pas; elle me
réjouirait plutôt. Je ne méprise pas la vision lointaine de Dieu, telle qu’elle
fut enseignée à nos aïeux. D’ailleurs, les plus humbles d’entre eux connurent
la grâce de voir Dieu de près, dans une rencontre mystique qui court-circuitait
les discours complexes de savants théologiens.
Chez les gens instruits d’antan, le Dieu causal tenait
une place essentielle à la compréhension de l’ordre du monde. Jusqu’au dix-neuvième
siècle de l’ère chrétienne, la thèse de la création en Éden ne fut sérieusement
contredite par aucune expérience accessible à l'humanité. Le Dieu
spéculatif convenait à une culture spéculative.
Mais, dans une culture de l’expérience, ce Dieu
devient une absurdité pour les non-croyants, un simple mythe pour les croyants.
Des mythes peuvent alimenter la ferveur religieuse. Ils ne peuvent soutenir la
foi au sens fort du terme, c’est-à-dire la confiance et l’amour que l’on voue à
une personne reconnue dans le concret de son existence. Pour que cette personne
existe réellement aux yeux du public, elle doit se rendre observable,
elle doit se faire authentifier par des témoins honnêtes et sensés. Ainsi se propagent les
nouvelles: nous ne constatons pas nous-mêmes tous les événements du
monde; nous ne rencontrons pas nous-mêmes tous les personnages qui font
l’histoire. Des journalistes crédibles observent et rencontrent pour nous.
L’originalité du christianisme consiste à
déclarer: «Dieu est devenu homme pour mieux se faire connaître des
hommes, pour susciter leur foi en se livrant à leur expérience sensible, à leur
regard, à leur audition, à leur toucher.» L’expérience de Dieu en
Jésus-Christ constitue le cœur du message évangélique. C’est ainsi que saint
Jean déclare au début de sa première lettre:
— Ce qui était depuis le
commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons contemplé de nos
yeux, ce que nous avons vu et que nos mains ont touché, c’est le Verbe, la
Parole de la vie.
*
Mon Dieu est un Aimant qui suscite ma foi, non un
magicien qui me dicte sa loi. Il est devant moi pour m’attirer, non derrière
moi pour me surveiller. Il est mon avenir, non mon origine. Il est la finalité que
je choisis pour mon évolution
personnelle d’homme, non la causalité nécessaire de l’évolution des espèces.
Comment puis-je parler de Dieu avec une telle
assurance ? Parce que je l’expérimente en Jésus-Christ, comme des témoins
en qui je me fie l’ont expérimenté voici deux mille ans. La grâce de la foi
chrétienne, c’est de renouveler mystiquement l’expérience sensible de Dieu
(vue, ouïe, toucher), une expérience que les compagnons physiques de Jésus nous
ont communiquée avec courage, clarté et conviction.