Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
le blog de Primatin
le blog de Primatin
30 décembre 2008

Crime

Du sang chez les Adam

[Lire les épisodes précédents dans les trois premiers messages]

  En dépit des animaux prédateurs, des effets néfastes de la pesanteur et d’autres inconforts, nos ancêtres goûtaient l’euphorie d'une nature vierge. Adam et Ève conçurent des filles, tandis que Primatin et Primatine enfantèrent des garçons. La sueur au front n’était pas une punition. On ne gémissait pas sur la météo, le trop pluvieux ou le trop chaud. En luttant pour vivre, Ève cessait peu à peu de regretter l’Éden. Elle se rangeait au sage avis de son amie Primatine :
— Il te faut quitter le rêve pour trouver ton bonheur dans la réalité.
   Hélas ! Les dix-huit printemps de Caïn sonnèrent une année sinistre. Depuis l’enfance, l'aîné de la famille Adam se montrait jaloux de son frère cadet. Les deux garçons n’avaient pas douze mois d’écart. Caïn reprochait-il à son frère d’avoir accaparé la tendresse de maman ?
— MAKO PAL MALIQ'A, commentait Primatine dans le langage des premiers humains (reconstitué par Merritt Ruhlen, linguiste américain).
  On pourrait traduire :
— Les deux enfants se sont disputé le sein.
  Pour les séparer, leurs parents confièrent à chacun une responsabilité particulière. Pendant que Caïn prenait soin du potager, Abel menait paître les moutons. À chaque pleine lune, ces pieux garçons sacrifiaient à Dieu le dixième de leur revenu mensuel. Mais Caïn soupçonna que Yahvé méprisait ses légumes, préférant Abel et ses jolis agneaux. Alors intervint Satan le diabolos, le diviseur rusé. Il changea la piété de Caïn en jalousie homicide. « Plus près de Dieu que moi, tu meurs ! » soufflait-il à Caïn, quand la volute des offrandes fraternelles s’élevait légère vers le firmament, tandis que l’épaisse fumée des siennes rampait lamentablement sur le sol.

*

  Un soir d'été, aucun des deux frères ne vint partager le repas de la tribu. Adam partit à leur recherche. La nuit était tombée, les enfants dormaient sous les huttes, quand Adam resurgit, titubant, hagard.
— Alors ?  s'exclamèrent ensemble Ève, Primatin, Primatine.
— Abel est mort et Caïn a disparu, répondit Adam dans un souffle.
— Un tigre les a attaqués ? sursauta Primatin.
— Non, reprit Adam. Près du corps de son frère, j'ai trouvé le gourdin de Caïn, tâché de sang.
  Il éclata en sanglots. Ève poussa des cris déchirants.
  Primatin et Primatine se regardaient, consternés. Aussi loin que remontait leur atavique mémoire, aucun de leurs ancêtres n'avait tué par méchanceté. On tuait pour manger, pour se défendre, par nécessité vitale. Sous l'emprise de quel démon ces cousins de l'Éden inventaient-ils le meurtre ?
  Dès lors, ce fut la famille Primatin qui redouta une mésalliance…

*

  Avec le temps, Caïn fut oublié. Après Abel, Ève avait donné naissance à deux jumeaux, Seth et Khom. (Le nom de Khom n’est pas mentionné dans La Genèse, pas plus que ceux des enfants qui suivirent. Adam engendra « des fils et des filles », voilà ce qui est écrit au verset 4 du chapitre 5).
  Quand les jumeaux eurent vingt ans, Seth épousa Luth (pour la vie) ; et Khom, Batt (for SUR/VIVAL). Dans les années qui suivirent, aristocrates déchus et primates promus continuèrent de s’accoupler. Au bout du compte, six fils Adam étaient en ménage avec les six filles Primatin, tandis que les six fils de Primatine faisaient des enfants aux six filles d’Ève. Ces douze couples cultivèrent une fécondité propice au démarrage de l’espèce humaine. Ils donnèrent 144 petits-enfants à nos premiers grands-parents.
  Sans l’aide de roturiers aguerris aux luttes de la vie, les aristocrates éclos dans un cocon douillet n’avaient aucune chance de se multiplier pour conquérir la terre. Manifestons notre reconnaissance à Primatin et à Primatine! Au plafond de la chapelle Sixtine, Michelangelo peignit Adam avec un nombril en triangle. Pour honorer la préhistoire tout autant que le mythe, je suggère au Vatican d’élever un monument à l’autre couple de nos aïeux. Leur statue honorerait ses paisibles jardins. J’imagine l’œuvre d’art ainsi dédicacée:

EN SORTANT LE PREMIER DE L’ANIMALITÉ
UN COUPLE COURAGEUX FORGEA L’HUMANITÉ

[le 15 janvier, suite sous le titre "utopisme"; en attendant, veuillez cliquer ci-dessous]


Bonne année 2009 avec Paul et Charles 


Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité