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le blog de Primatin
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30 avril 2009

Primatin et Cicéron

De Primatin à Cicéron et au-delà…

  Sans le merveilleux outil divin, l’humanité se serait éteinte. Pourquoi Cro-Magnon survécut-il à Neandertal ? Je parie que la religion du premier se montra plus «civilisatrice» que celle du second !
  Durant les premiers millénaires, la religion fut un élément indispensable du progrès humain. Dans un groupe, elle fixait la contribution de chacun à la survie collective. Elle fondait la hiérarchie sociale ; elle inspirait les lois. À celui qui sacrifiait sa vie pour le peuple, elle promettait un paradis. Au siècle précédant notre ère, Cicéron attribue la supériorité de Rome à la ferveur religieuse des citoyens romains. Dans une longue tirade, il énumère les peuples vaincus et il conclut :
Pietate ac religione omnes gentes superavimus / Par notre piété et par notre religion, nous avons surpassé toutes les nations.
  Fondateurs légendaires, Romulus et Rémus s’étaient nourris aux deux mamelles de la louve romaine: respect pour les ancêtres; piété envers les dieux. Après Cicéron (défenseur de la République), Rome déifia ses maîtres, successeurs de Jules César. Les chrétiens qui refusèrent d’adorer l’Empereur passèrent pour de dangereux athées. Plus d’un fut mis à mort comme traître à la patrie.

*

  Sur le vocable de «religion», une étymologie douteuse sème la confusion. Dans leur volonté de définir la religion comme «ce qui relie à Dieu», des auteurs tirent religio de religare. Or religare signifie lier quelque chose, non relier à quelqu’un. La racine ligare donne ligature et ligament. Veut-on signifier que la religion ligote? Les fondamentalistes et les bigotes?  Certes, les religieux dévots restent souvent liés à l’interprétation littérale de textes sacrés et à l’observance scrupuleuse de rites séculaires.

  Soyons honnêtes ! Laissons au terme religio l’origine que lui donnent les écrivains latins! La racine legere (lire) donne légende et législation. Dans son De natura deorum (discours sur la nature des dieux) Cicéron affirme que religio vient de relegere (= recueillir, rassembler, relire). Au deuxième siècle après J.-C., le grammairien A.Gellius confirme cette étymologie. La religion romaine était le ciment sacré qui maintenait ensemble les pierres d’une grande civilisation. Recueillies et relues, les traditions fondatrices de Rome formaient un liant patriotique qui assurait la cohésion nationale.

  Une civilisation religieuse divinise ses fondateurs; elle sacralise les relations sociales, les dispositions législatives et rituelles. Illustrant les devoirs de l’individu envers sa tribu, mythes et symboles décorent les temples, emplissent les livres saints. Les dieux exercent leur autorité par l’intermédiaire des professionnels du sacré. Ceux-ci veillent à ce que le divin génère chez l’humain une peur salutaire, garante de la discipline tribale. Dans son catéchisme, Primatin faisait répéter:

L’homme craindra d’abord la colère des dieux,
Bien imprudent celui qui braverait les cieux !

  Un peuple, une religion! En l’absence de votes, l’unité dévote permettait la cohésion de la tribu. Depuis l’Impexie avec le pieux Primatin jusqu’à Rome avec le divin Auguste, chez les Égyptiens avec Pharaon, les Juifs avec Moïse, les Francs avec Clovis, les Arabes avec Mahomet… chaque peuple avait ses dieux, ses prophètes, ses rois. Tandis que chaque dieu protégeait son peuple, son prophète, son roi. Au dire de ceux-ci, il donnait à ses représentants sur terre pleine délégation de pouvoir!

  «Catholiques et Français toujours» chantait-on dans mon enfance. Par quelques aspects, le catholicisme reste la religion d’une tribu, tribu qui a grandi aux dimensions de la planète. Le christianisme, lui, est une foi personnelle. Dans la présentation de son célèbre ouvrage Le désenchantement du monde [Gallimard, 1985], Marcel Gauchet qualifie le christianisme de religion de la sortie de la religion. Je préfère définir le christianisme — le christianisme expérimental des Apôtres et des premiers disciples du Christ — comme la foi qui fait sortir du tribalisme religieux. Je m’efforce toujours de distinguer foi et religion. Non seulement la foi a de l’avenir mais, pour le chrétien que je suis, c’est sur elle que se construit l’avenir humain, au-delà de l’espace et du temps. Quant aux multiples religions, leur gourmandise d'un pouvoir immédiat les expose à des conflits multiples. Les plus ambitieuses mourront d’indigestion…

Philippe-Emmanuel


Prochain message le 15 mai :

LES QUATRE FONCTIONS DE TOUTE RELIGION

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